mardi 3 septembre 2013

Création de décors du 16ème siècle à Riez Alpes de Haute Provence

FENÊTRES A MENEAUX 

véronique vialis



Les gypseries provençales sont un peu différentes du stuc, il n'y a aucun apport de poudre de marbre. Elles sont plus fragiles mais plus charmantes. Ce que l'on fabrique maintenant s'appelle du staff. Le plâtre est mélangé à de la filasse, on ne peut pas le sculpter. C'est l'évolution des escaliers au début du xvie siècle qui étaient à vis tenant peu de place, parfois hors du bâtiment (dans une tour), ils étaient en pierres et peu ou pas ornés. Puis une transformation s'opéra, il n'y eut plus seulement une vis centrale mais plusieurs "noyaux", deux, trois ou quatre. Ils sont en blocage ou en bois et recouvert de gypse, les marches sont à volées tournantes ou droites et à paliers. Les gipiers s'en donnent à cœur joie pour orner les voûtes ou les rampants, enfin on invente l'escalier rampe sur rampe et paliers. Les balustres sont en bois stuqué (ça ne se soupçonne guère). Il prend de plus en plus de place, se situe au milieu de la demeure. La gypserie est très proche du stuc dans le matériau et la technique, à une différence près : le stuc consiste en un mélange de plâtre, de chaux et de poudre de marbre, alors que la gypserie ne contient que du plâtre et un peu de chaux. Considérée comme un "art mineur" par de nombreux historiens d'art, elle est un élément essentiel du décor architectural en Provence de la fin du Moyen Age au le XIXe s.,avec un véritable âge d'or du XVIe au XVIIIe s. D'autre part, on nie souvent l'originalité méridionale en prétendant, en un raccourci erroné, que cette technique serait venue d'Italie et aurait été pratiquée par des artistes venus de ce pays: or, les textes nous montrent que les artistes qui mettent en œuvre les gypseries sont dans leur écrasante majorité des Provençaux ; la mention d'artistes italiens vient souvent d'une confusion avec le stuc. Dans le sillage de la prétendue origine italienne, on a longtemps pensé que la gypserie était apparue avec la Renaissance ; or, les recherches récentes ont révélé qu'il existe déjà des gypseries au Moyen Age. Ses origines restent obscures. Les Romains avaient introduit la technique du stuc, que l'on trouve un peu partout dans les riches villae ou les plus belles demeures urbaines. Cette technique se retrouve à l'époque mérovingienne, comme le montre l'exemple de l'arc stuqué de la crypte de St-Victor de Marseille. Puis un grand vide jusqu'au XVe s.. L'une des pistes probables est l'origine arabe ; le décor architectural islamique utilise en effet le stuc, mais aussi une technique très proche de la gypserie encore pratiquée de nos jours dans des pays comme le Yémen. L'hypothèse est loin d'être farfelue ; on sait que les Arabes ont été présents dans le sud de la France durant le haut Moyen Age ; d'autre part leur influence culturelle s'est faite par l'intermédiaire de l'Espagne (la Provence médiévale fut un temps gouvernée par les comtes de Barcelone, des princes chrétiens en contact avec le monde musulman ibérique) et de la Sicile (dont les comtes de Provence seront souverains), ainsi que lors des Croisades (auxquelles participèrent de nombreux seigneurs provençaux). Le terme "gypserie" est une francisation du terme provençal "gipparié", qui n'avait pas d'équivalent en français ; en provençal, "plâtre" se dit "gip". Le plâtre utilisé pour la gypserie provient de la cuisson d'un gypse de bonne qualité dont on trouve de nombreux gisements en Provence. De même, l'artiste qui met en œuvre les gypseries est qualifié par le terme provençal de "gippier", parfois francisé en "gypier" ou plus rarement "gypsier". Le stuc est quant à lui appelé "estu" ("estuc" en provençal ancien) et le stucateur "estucaire", ce qui montre bien que pour les Provençaux les deux techniques sont différentes. L'adoption par le français de termes provençaux confirme enfin la spécificité de cet art.

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